Histoire du géologue rouge (conte océanique)
Il était une fois un géologue qui habitait l’Ecole Polytechnique. Comme il buvait beaucoup de bières, son nez était devenu tout rouge et ses camarades l’appelaient «le géologue rouge». Et lui, il n’aimait pas du tout ça.
Alors il prit son marteau, sa perceuse à paléomag, une caisse de bières et il partit pour l’Equateur à bord d’une barquette. Mais au beau milieu de l’Atlantique, la perceuse se mit inopinément en marche: elle perça un trou dans la coque et la barquette sombra au fond de l’océan avec le géologue rouge, ses instruments et les bières.
Notre héros pleurait à chaudes larmes, quand soudain il sentit quelque chose lui chatouiller les doigts de pieds.
-Qui va là!
-C’est moi, lui répondit une voix fluette, la petite argile rouge…
Et en effet, il s’agissait d’un banc d’argile rouge. Emu par cette homonymie, le géologue rouge se prit d’une grande affection pour le gentil sédiment.
-Enchanté de faire ta connaissance, dit-il. Allez, prends une bière!
-Et toi, prends une smectite ferrifère! Veux-tu m’aider à chercher ma grand-mère?
-D’accord!
Et main dans la main, ils partirent à sa recherche.
La grand-mère de la petite argile rouge, c’était bien entendu la plaine abyssale. Seulement, à force de bières et de smectites, nos deux amis étaient tellement pétés qu’ils traversèrent toute la grand-mère sans même s’en apercevoir. Et voilà que bing! Ils se cognèrent la tête contre une énorme masse sombre et le géologue rouge s’écroula évanoui.
-Ouille! fit l’énorme masse sombre.
-Pardon, rougit la petite argile rouge, nous sommes perdus…pourriez-vous me dire où habite ma grand-mère?
-Mais c’est moi ta grand-mère!
Pauvre petite argile rouge! Elle ne pouvait pas se douter que son interlocutrice était en réalité la terreur des fonds océaniques, l’abominable et vorace croûte continentale.
-Mais, grand-mère, dit la petite argile rouge, que tes sédiments sont étranges!
-C’est le plaisir de te voir qui m’a altérée!
-Et puis je t’imaginais plus plate…
-C’est le bonheur qui m’a soulevée!
-Et puis il me semble que…
-Pas tant d’histoires, dans mes bras mon petit!
Et l’énorme masse noire se précipita sur la petite argile rouge et la subducta en une seule bouchée.
C’est alors que notre géologue rouge, reprenant ses esprits, comprit qu’il devait à tout prix sauver sa nouvelle amie.
-Prodigieux!, s’écria-t-il, voilà des années que je suis géologue et jamais je ne m’étais aperçu que les croûtes océaniques savaient parler (en réalité il le savait très bien, vous pensez…un géologue de l’Ecole Polytechnique!). Si tu chantais aussi, quel scoop pour le monde scientifique!
La croûte continentale, qui était coquette, ouvrit une large faille et se mit à chanter à tue-tête, laissant échapper sa proie.
-Sachez, madame, dit notre héros d’un ton narquois, que tout géologue vit aux dépens de la croûte qui l’écoute…
Et sans demander son reste, il prit la petite argile rouge dans ses bras, remonta la croûte continentale, sortit de l’océan et s’en alla en Equateur.
Une fois arrivé, il attrapa tellement de coups de soleil qu’on ne remarquait plus du tout son nez rouge. Il vécut donc très heureux avec la petite argile rouge et plus tard, ayant appris l’art de la poterie chez les Indiens Quechua, il en fit une superbe chope à bière.
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